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15 novembre 2015

Souviens-toi François : Liberté, Egalité, Fraternité

Cher François,

Aujourd’hui, je voudrais te parler de ces gens que j’ai rencontrés, croisés pour un instant, un jour ou des années.


Il y a cette famille dont j’ai oublié le nom, après tout, je n’étais qu’une enfant. Mon premier thé à la menthe dans les règles de l’art, dans une cour poussiéreuse sous le soleil de Djerba, offert spontanément en remerciement à des inconnus et leurs petits-enfants, venus apporter des photos de classe retrouvées d’un grand-père ou d’un arrière-grand père.

Lui s’appelle B., il est Mongol, il croit je crois à l’âme du bouddhisme. Il a connu les hivers rudes qui vous glacent le cœur et ravagent vos troupeaux. Il a connu l’époque soviétique et l’oubli de la culture nomade. Il a connu l’alcool et son attraction dévorante. Aujourd'hui, il accueille les touristes et leur fait découvrir son pays avec un sourire d’où déborde la joie de son âme.
 

Il s’appelle D., il est musulman, enfin un peu, pas très pratiquant pour son Sénégal natal. Il lutte pour sauver sa petite entreprise et ses chevaux, sa passion, qui font découvrir les tans et les mangues aux visiteurs.

Il s’appelle Y-W., il est sud-coréen, et en quelques réflexions il m’a fait prendre conscience du fossé qui sépare nos deux cultures, lui qui se demandait si il est vrai que les français ne se lavent pas.


Elle s’appelle N., et quand je lui ai proposé un gâteau pendant le ramadan, elle a décliné d’un sourire. Avec B., elles m’ont offert une paire de boucles d’oreilles que je garde précieusement, pour mon départ de ce travail où j’étais leur collègue.


Elle s’appelle K., elle fait découvrir pendant ses vacances sa Pologne natale aux voyageurs de passage, avant de repartir explorer la vie en Chine pour ses études.


Elle s’appelle M., et parfois elle me parle de la guerre. De partir sur les routes pour fuir l’ennemi qui arrive, sans savoir où aller, et puis rentrer, et de sa vie dans un village occupé. Oui, parfois, elle me parle des allemands, ma grand-mère.


Il s’appelle K., il parle arabe, il est libanais, et il est catholique.


Il s’appelle R., et il me raconte les souvenirs de son enfance en Tunisie. De ce pays qu’il aime tant, dont il craint pour l’avenir. Il me parle de rentrer en France parce que c’est la guerre, mon grand-père.


Il n’est qu’un regard hagard croisé sur une photo dans un journal, un regard qui dit la fuite et la peur, et l’espoir d’un monde meilleur.


Elle s’appelle K., elle a mon âge, et pourtant, elle a connu les coupures d’électricité dans son enfance et les devoirs à faire sans lumière. Jeudi, elle avait peur pour les siens à Beyrouth, vendredi elle avait peur pour ses amis à Paris.


Elle s’appelle A., elle a rencontré R. la semaine dernière et partagé la musique avec lui. Samedi, elle a appris que cette première rencontre serait aussi la dernière.

Ils me disent la souffrance, ils me parlent d’espérance, ils croient en la tolérance. Ils sont d’ici ou d’ailleurs, citoyens du monde, et ils portent haut les valeurs de la France. Liberté, Egalité, Fraternité.



Et puis il y a toi, François. Toi qui t’appelle X., Y. ou Z.. Toi François le « Françoys », si fier de n’avoir pas une goutte de sang d’ailleurs. Toi, François, ou Françoise, qui me critique parce que j’ai n’ai pas brandi fièrement le drapeau de ma France avant aujourd’hui (même si je travaille pour elle, moi, mais ça tu y accordes peu d’importance). Toi qui n’as jamais franchi les frontières de notre si beau pays, toi qui n’a nulle conscience de ta chance d’y être né. Toi qui as grandi avec la paresse du confort et la faiblesse de l’âme qui jamais ne s’interroge. Toi qui rejette les réfugiés désespérés à cause d’un passeport retrouvé « comme par hasard » entier près des débris d’un écervelé. Toi qui accuse une communauté et la stigmatise sans même avoir jamais réellement échangé avec l’un de ses membres. Toi François, qui te replie sur ta pseudo-vertu de bon français et innonde les réseaux sociaux de lettres immondes.


C’est à cause de toi, François, toi et ta haine irraisonnée, que j’ai mal à ma France. Je pleure pour ceux qui sont tombés sous les coups d’une autre haine insensée, mais à cause de toi j’ai mal à mes valeurs (oserais-je dire à « nos » valeurs ?). Oh non, je ne suis pas parfaite, moi aussi je connais l’intolérance. Je ne prétends pas non plus que ceux que tu rejettes sont parfaits, mais je m’interroge. Je sais que le monde n’est ni tout noir, ni tout blanc, et je sais qu’il est beau aussi en dehors de ma France. Je sais aussi aujourd’hui ce que c’est que d’être l’étranger dans un pays.


Je crois profondément en nos valeurs, en cette solidarité qui s’élève comme en janvier des cœurs français. J’aimerais simplement, François, que tu ouvres un peu les yeux, que tu étendes ton horizon, que tu comprennes les enjeux du monde d’aujourd’hui, qu’ils sont bien plus grands que ta petite personne. S’il-te-plait, François, rend-moi fière de notre France.


Liberté  Égalité  Fraternité.



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Il y a peu, ma copine blogueuse Aileza nous proposait d’écrire une lettre à François pour l'After des Apéros Cosmiques. J’aurais voulu cette lettre pleine d’humour et de légèreté, mais la vie en a décidé autrement. Alors je lève mon verre en hommage à ceux qui nous ont quittés trop tôt, et à mon pays que j’aime tant.




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6 commentaires:

  1. Merci ma douce Emilie... Très beau billet, très juste <3

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  2. Des mots forts et durs Emilie. Mais qui ont au moins une raison, celle d'exister et de nous donner la force d'aller de l'avant. Merci.

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  3. Je ne sais quoi dire après la lecture de ton billet. Des mots forts, ton texte incarne tout ce que je défends: la liberté, la tolérance, l'amour de son prochain.
    Merci pour ton message

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  4. Un magnifique texte avec des mots à la fois forts et justes !

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  5. Ton texte est magnifique et si vraie...
    Je t'embrasse

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  6. un texte vraiment magnifique, merci pour ce merveilleux partage
    danièle

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