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14 juillet 2016

Carnet d’observation d’une cavalière française en Irlande

Et si nous profitions de cette journée de fête nationale pour partir découvrir d'autres cultures équestres? Après Alexia, c'est aujourd'hui Marylou, alias la Crinière Blonde, qui nous emmène en immersion dans une ferme équestre en Irlande.




Entre mars et mai, j’ai eu la chance de pouvoir travailler comme guide équestre dans une ferme irlandaise perdue dans le County Clare. Plus qu’une simple guide, j’étais responsable de la cavalerie au quotidien : les nourrir matin et soir, faire leur box, faire les lots pour que tous sortent dehors, les entraîner, soigner leurs bobos, les préparer, les surveiller et conseiller les clients pendant les randos… Je dormais littéralement collée aux box (dans un appartement mitoyen, je vous rassure) ! Un poste privilégié pour noter pleins de petites observations sur le traitement des chevaux à l’irlandaise et vous rapporter les anecdotes de la proprio de lieux.


Le bien-être du cheval, support de toutes les décisions des cavaliers irlandais.


Tout le monde en Irlande semble posséder un cheval. Mais si posséder un équidé est banal, ce n'est pas pour autant que leur bien-être est pris à la légère, bien au contraire ! La volonté de prendre soin au mieux de leurs chevaux donne aux Irlandais quelques libertés… comme demander leur poids à ces dames. Oui Monsieur, là-bas parler du poids des cavaliers n’est absolument pas tabou ! C’est presque même la première chose qu’on vous demande dans la ferme où j’étais : « combien pesez-vous et mesurez-vous ? ». Tout cela pour vérifier qu’ils possèdent un équidé adapté à chaque morphologie et si ce n’est pas le cas, un client peut être poliment mais fermement refusé. De même, il est arrivé que des cours soient proposés à une cliente plutôt qu’une randonnée car son surpoids et son manque de tonicité auraient mis le dos du cheval à trop rude épreuve pour ce trail déjà très physique. Quand j’ai expliqué à la propriétaire qu’il était très mal vu de faire de même en France, elle est restée perplexe : pour elle, si une personne ne comprend pas que son poids pourrait mettre en péril la santé de son équidé, c’est que ce n’est pas un vrai cavalier/une personne qui aime les chevaux. Cette réaction est égoïste puisqu’il est question de la santé de nos équidés. 


Trouver un équilibre dans l'adéquation cheval/cavalier, pas si simple !
Dans la même logique, garder un cheval entier mais en le faisant uniquement vivre en box et pratiquement sans contacts avec ses congénères (comme c’est souvent le cas en France) est une véritable hérésie en Irlande. Pour eux, c’est un mode de vie très cruel que les vrais passionnés ne devraient pas cautionnés (décidément, j’aime la pensée irlandaise !). Leurs étalons à eux font la monte, vivent au pré dans un troupeau d’hongres, peuvent être montés en groupe sans problème et même être laissés au box entre deux randos avec des juments autour. S’ils ne peuvent pas assurer ces conditions de vie, tanpis, ils préfèrent castrer afin de garantir le bien-être de leurs chevaux. Mais d’après leur expérience, quand un entier est gardé dans un pré suffisamment grand (ce qui ne manque pas en Irlande et facilite la vie, on est d’accord), il n’est pas agressif envers les autres et n’essaye pas de s’échapper, il est alors très facile à vivre.

On parle étalon, ça fait penser à ce qui survient quand on en fréquente trop un : le poulinage. Là encore, les irish people ont opté pour la manière qui leur semble la plus simple pour la jument : laissée au pré avec un « ami ». Ce cheval qu’elle connait et apprécie est une présence rassurante pour elle et lui permet de mettre bas en toute quiétude, sans être importunée comme elle le serait dans un véritable troupeau et sans le stress d’être coincée au box.

A lire comme ça, on pourrait croire que les chevaux irlandais vivent surprotégés par leurs propriétaires et pourtant, il n’en est rien ! C’est même le contraire et ils vivent « à la dure » ou plutôt en autonomie : dehors par tous les temps, sans couverture, les pieds non parés de tout l’hiver, peu de nourriture, en cas de blessure on désinfecte rapidement et on y retourne, une boiterie on soigne mais on n’immobilise pas (c’est interdit même, le cheval DOIT TOUJOURS marcher), peu de visites en dehors de la saison de rando… Enfaite, dans cette ferme irlandaise, on revient aux basiques : le cheval vit en groupe en extérieur et se débrouille à peu près seul. Résultat ? Je n’ai jamais vu des chevaux aussi bien dans leurs sabots et leur corps ! Même moi qui plébiscite le pied nu et le naturel, je trouvais parfois le traitement rude. Et pourtant, je n’ai jamais vu des chevaux passer autant de temps à jouer, être aussi expressifs, vifs, dormir profondément de tout leur long dès qu’ils en ont l’occasion, être aussi curieux et confiants envers l’homme, pouvoir assurer une semaine de rando avec seulement 2 trottings d'échauffement dans les jambes… De quoi remettre en question nos habitudes de "cavaliers urbains" !

Des chevaux de randonnée irlandais très stressés par leur rythme de vie.


Revenir à la simplicité : un principe équestre irlandais.


Si les irlandais ont décidé de faire revenir leurs chevaux à des modes de vie basiques, ils se prennent également beaucoup moins la tête au quotidien. Ainsi faire et curer les box va beaucoup plus vite chez eux : pas de paille de partout qui se sali vite, ici, seule la moitié du box (en largeur, donc le fond en gros) est recouverte de sciure, l’autre moitié étant laissée à nue avec une grosse poubelle dans un coin contenant la nourriture. Pourquoi cette disposition ? Pour éviter le gâchis de litière mais surtout pour que les chevaux ne mélangent pas leur nourriture à leurs excréments et à la sciure ! Ainsi, même s’ils la font tomber, ils peuvent continuer à manger tranquillement. Les soucis de manque de confort pour se coucher ou de risques de glissades ne se posent pas trop puisque, selon les principes irlandais, les chevaux passent peu de temps au box (au maximum la nuit OU une demi-journée).

Autre sujet sur lequel ils se prennent moins la tête : le choix des sols pour les chevaux pieds nus. Si aucun cheval n’avait le droit de partir en rando ou trotting sans fers, en revanche, tous étaient travaillés dans la carrière et mis dans des prés très rocheux sans qu’on se pose la moindre question sur l’état de leurs pieds. Ferrés ou non, parés ou non, tous vivaient sur ces terrains difficiles… Sans aucune difficulté… La solution pour les pieds serait-elle tout simplement de ne pas se poser trop de questions ? 

Un pré typiquement irlandais : plein de relief, de la boue profonde et de la roche partout.


Enfin, sur ce chapitre du « retour aux choses simples », ce qui m’a le plus frappé dans ma ferme irlandaise a été l’éducation de leurs chevaux. Ça peut paraître tout bête mais j’ai redécouvert soudainement qu’un cheval n’est pas dressé et n’évolue pas de la même façon suivant la discipline à laquelle on le destine, et c’est très bien comme ça ! Si au départ j’ai été un peu excédée de me retrouver avec des chevaux qui ne connaissent ni rêne d’incurvation, ni jambe intérieur, ni le respect des distances à pied (mes doigts de pied s’en souviennent encore), je me suis vite émerveillée devant leurs autres compétences que nos chevaux d’équitation classiques ne possèdent parfois pas : une grande endurance (même pour les irish cob obèses !), une vraie intelligence en extérieur (capables d’analyser le terrain pour adapter leur allure, choisir les meilleurs passages, tourner immédiatement le dos à la grêle pour se protéger…), retenir les chemins de balades, subir toutes les manipulations possibles sans broncher, être rendus attentifs et même avoir intégrés des signaux très subtils pour les chevaux de tête (cavalier qui lève le bras = je ralentis, j’entends un autre cheval boire = je m’arrête pour attendre le groupe…).

Des chevaux purs produits nationaux.


Bon, je vous vante les mérites de ces chevaux de rando, je ne peux pas finir cet article sur l’Irlande sans vous parler de leurs races, toutes locales et pourtant très diverses afin de satisfaire tous les types de cavaliers :
  • L’Irish Cob (aussi appelé Tinker ou Gypsy Cob selon le pays dans lequel on se trouve) : contrairement aux idées reçues, il peut être taille poney ou cheval et la robe noire avec balzane et liste est aussi prisée que la très répandue pie noire. Cette dernière était sa robe d’origine et il était dit qu’un véritable irish cob se reconnaissait à son « bonnet » : ses oreilles étaient toujours sombres, même si le reste de son corps était presque intégralement blanc ! Depuis, les robes autorisées pour cette race se sont diversifiées. Très confortable avec ses allures rasantes et lentes, très placide, c’est un super cheval de rando, idéal pour les débutants grâce à sa fiabilité et sa gentillesse. 

Guiness, pur irish cob typé « gros poney ».


Coleen, irish cob taille cheval plus « classique ».

  • L’Irish draft (ou draught) : un cheval de grande taille et robuste, de carrure entre le selle français bien charpenté et le demi-trait léger. En vérité, il est catégorisé comme cheval de trait même si son physique lui permet de rester très polyvalent: en effet, il a été créé afin de faire aussi bien les labours que la chasse à courre. Malgré son physique impressionnant, c'est donc un cheval assez calme et sportif. 

Aran, la force tranquille (et vu la carrure c’est tant mieux !).


  • Le plus que célèbre et très aimé Connemara : taille poney ou petit cheval, toujours gris, très vif et agile avec ses petits pieds typiques, il a la capacité innée de gérer les terrains boueux en faisant pleins de petits pas très rapides pour ne pas s’enfoncer (anecdote véridique expliquée par la proprio de la ferme et illustrée par ma jument plus tard). C’est un peu la star irlandaise et je dois avouer qu’il a tout pour plaire : physique sportif, polyvalent, intelligent… C’est d’ailleurs pour ça que les irlandais aiment bien l’utiliser dans des croisements !

Cloddagh, la fameuse jument cliché du connemara.

  • L’Irish Hunter : moins connu en France, c’est justement un croisement utilisant le connemara comme base (croisé avec l’Irish draft ou autre race, si je me souviens bien), ce qui donne un connemara coloré, plus grand et plus charpenté, plus calme mais toujours avec beaucoup de sang, bref, le parfait cheval de loisir et compétition qui a déjà fait ses preuves à l’obstacle !

Saoirse (prononcé « sœur-chat », oui oui)…
… et Chrumchin (« krum-kine »), deux juments irish hunter pleines de vitalité !

Le dernier mot Jean-Pierre…


Dans cet article, j’ai décrit les pratiques observées dans un lieu donné (une ferme équestre pratiquant la randonnée professionnelle) et confirmées par quelques observations à droite à gauche dans les fermes alentours. Mais bien sûr, cela n’a pas valeur de règle générale sur la manière de faire irlandaise. Je suis sûre qu’il y autant de pratiques qu’ils ont de moutons !

Néanmoins, je pense qu’il y a des idées à prendre dans ces façons de faire étrangères observées dans cette ferme, et plus généralement des leçons à tirer, comme par exemple le fait que là-bas les races lourdes ne sont pas du tout mises de côté mais plutôt valorisées (pour leur endurance, leur confort, leur gentillesse). J’espère que ça vous donnera envie de découvrir l’Irlande, terre de cheval, ou même de pousser plus loin pour aller voir comment font nos autres voisins.



Voilà, moi qui avait déjà envie d'aller en Irlande, j'en ai encore plus envie! Et si tu as aimé la plume de Marylou, retrouve la sur son blog.
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3 commentaires:

  1. J'adore cet article! J'y ai appris quelques "petites" choses tout de même et ça fait du bien, dès 9h du mat' :) Merci pour ce partage!

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    1. Ravie que cela t'ait plu ! :)
      Faut aller en Irlande, c'est génial !

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  2. Très beau récit ! On y apprend beaucoup de choses en effet

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